« Le jazz, c’est nul »

« Le jazz, c’est nul : ils inventent la musique au fur et à mesure … moi aussi j’peux faire pareil » Homer Simpson

C’est assez amusant de voir les débats sur la transmission dans le jazz, entre ceux qui pensent que cela ne s’apprend pas, ceux qui pensent que si l’on ne connait pas l’entière histoire et tradition on n’a pas le droit de le jouer, d’autres qui pensent que l’on doit tout adapter de l’enseignement de la musique classique à l’enseignement du jazz, sans parler de ceux qui pensent qu’il y a déjà bien assez de chômeurs et que cela ne sert à rien d’en former de nouveaux.

Et je passe volontairement ceux qui pensent que « c’était mieux avant » quand il y avait encore des « bad boys » (drogues, alcool, armes, violence etc …) et qui fantasment le jazz.

À part la dernière idée totalement hors-sujet, aucune position n’a raison ou tort, mais elles constituent différents points de vues d’une même réalité. Ces positions sont souvent avancées par des « professionnels de la profession» qui ne sont pas en total contact avec le sujet de l’enseignement.

– La musique c’est un art qui utilise nos sens, donc bien-sûr : il faut la vivre.
– La musique est une haute expression artistique des mathématiques, quoi qu’on en dise, c’est une pure abstraction lorsqu’il s’agit de l’écrire, de la jouer et de l’improviser, donc : il y a bien une partie théorique à appréhender, et cela peut s’apprendre
– La musique existe depuis des millénaires, et on s’est toujours transmis des savoir-faire, y compris dans la création, donc l’aspect artisanal de l’art existe bien.

D’ailleurs, soit dit en passant, l’étymologie de « Art », vient du latin « métier », « habilité ».

Dans tous les cas, l’apprentissage musical nécessite d’être entouré, guidé, conseillé, instruit, en prise avec son temps et le métier d’aujourd’hui, que cela soit dans une école, ou dans un orchestre. Basta !

En quoi le jazz serait-il différent ? La seule valeur valable dans tout ça : c’est le travail !

En mettant à plat la situation, quelles seraient les 3 choses principales pour être artiste professionnel ?
– Avoir un projet personnel en tête (entreprendre, initier, créer, bâtir)
– Être appelé pour travailler dans la musique que l’on veut pratiquer (être compétent)
– Accepter provisoirement ou non, de travailler dans d’autres secteurs de la musique (être polyvalent, tolérant et cultivé)

Et bien-sûr, il faut aussi avoir des qualités qui ne sont pas liées à la musique mais au travail collaboratif en général: intelligence d’ensemble, réactivité, solidarité, ponctualité, souplesse de caractère et souplesse d’horaire, amabilité, écoute, avoir une parole…

À Grands Formats, chacun des orchestres membres vivent ces réalités. Et, ce qui a constitué le moteur de sa création il y a 20 ans ce sont précisément ces valeurs communes et la difficulté de défendre notre position d’entrepreneurs, initiateurs, créateurs, bâtisseurs.

Grands Formats continuera de développer son volet transmission en offrant des masterclass, des conférences professionnelles, ouvrant la porte aux jeunes orchestres en compagnonnage (en vue de professionnalisation). Bien sûr l’idéal serait que les établissements d’enseignement type CRR ou supérieur accueillent en résidence la vie des orchestres, offrant la possibilité aux jeunes étudiants de remplacer dans des répétitions, d’assister aux phases de création, d’être parfois impliqué sous forme de stage, etc.

La réflexion continue, mais Grands Format doit rester synonyme de partage et de transmission.

Par Pierre Bertrand pour Pierre Bertrand & la Caja Negra, Nice Jazz Orchestra 

Photo : Pierre Bertrand © Olivier Blaisa


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