Moitié Nord
Le lundi 10 juin à 9h30, Grands Formats était invitée à la Philharmonie de Paris à une concertation sur l’improvisation initiée par la Ministre de la Culture. Sans surprise, Mme Dati ne s’est pas déplacée et n’a pas prononcé de discours introductif de la journée. En effet, la soirée électorale de la veille avait dû être difficile. Finalement, parler d’improvisation était d’actualité ; j’ai piqué la plaisanterie directement à l’intervenant principal, André Manoukian, chargé par Mme la Ministre de mener cette concertation. Une concertation à suivre, largement monopolisée par l’improvisation générative du CNSMDP mais à suivre tout de même, si notre ministre reste en poste …
Puis, tout le mois de juin, le monde de la culture, mais pas seulement, est resté suspendu à l’attente des élections législatives. Succession de prises de parole dans les concerts, de la Philharmonie à certains festivals de jazz, rassemblements sur le parvis de la Villette, contributions de syndicats, de fédérations, mais aussi des débats sur la nécessité de ces prises de parole, sur ce qu’on peut dire, s’il faut donner des consignes de vote.
Certains avaient l’impression de vivre leurs derniers concerts côté public, leur dernier cachet d’intermittent côté artistes, le tout accompagné d’une campagne médiatique délétère et anxiogène.
En parallèle, des rendez-vous lunaires avec des institutions paralysées, et des « on verra le 7 juillet, et encore »…
Solstice d’été
Le 21 juin, une présentation du bilan du CNM dans l’arrondissement de Mme Dati nous a permis une rencontre éclair avec notre ministre, entre deux petits fours, plutôt démagogique et sans aucune allusion à l’actualité, si ce n’est la découverte de sa part que les « gauchistes » de la culture qu’elle découvre depuis sa nomination le 11 janvier 2024, ne sont pas si « énervés ». Peu de contenu donc, devoir de réserve oblige, le tout au milieu d’un éloge de la diversité artistique proclamée par le CNM, que nous souhaiterions voir se concrétiser, au delà des chiffres publiés, dans la réforme de ses programmes d’aide pour 2025. De notre point de vue, nous considérons que les critères des aides concernant les équipes artistiques ne sont pas favorables. Les groupes de travail sont en cours, et je rappelle que Grands Formats n’y a pas été associé, ni les autres fédérations (FEVIS, Futurs Composés) d’ailleurs. Nous nous adressons donc sagement aux syndicats qui représentent nos ensembles ou leurs salariés (Profedim, SMA, Snam-CGT) et leur faisons confiance.
Moitié Sud
Et puis, ce 7 juillet est arrivé, avec un relatif soulagement, tout au moins idéologique. Grands Formats se déplaçait dès le 8 juillet à Aix en Provence pour la rencontre Accord Majeur, qui avait chamboulé son programme en prévision de ce calendrier.
Ma contribution aura été de rappeler que le monde du jazz de création partageait avec le monde du classique un certain nombre de contraintes, et aussi de rappeler la place, prépondérante, de l’artiste dans cette chaîne, de l’œuvre à la diffusion en passant par l’action culturelle.
Un certain nombre de questions ont eu le mérite d’être posées, notamment celle qui interroge sur la possible bulle hors sol de nos métiers, déconnectés des autres cultures, du public, et surtout du non-public, celui qui ne vient jamais à un concert d’une structure ou d’une équipe subventionnée. Et puis, faut-il travailler avec des élus RN, et surtout, les électeurs du RN étant inévitablement dans les salles de spectacle, comment les prendre en compte ? Il a ainsi été question de liberté de programmation, d’auto-censure. J’ai surtout retenu cette notion de responsabilité des programmateurs, et surtout celle de la responsabilité de la diversité qu’ont les diffuseurs. À eux de l’entretenir et de la favoriser : diversité des écritures, des niveaux de développement et travail sur le territoire.
La rencontre s’est terminée avec un appel au gouvernement, en place ou futur, à s’engager sur quelques points, dont le maintien d’un ministère de la Culture fort et doté d’un vrai budget pour défendre la création musicale. Les prochains jours devraient nous montrer si, oui ou non, ce gouvernement prend en compte le résultat de l’élection législative, et donc, finalement, nous restons toujours suspendus à l’actualité.
Le soulagement du 7 juillet ne doit pas nous faire oublier les dernières années qui ont été toutes plus dures que les précédentes. N’oublions pas les budgets votés fin décembre et les 100 millions de coupe budgétaire (programme création de la DGCA) en février, la même coupe est d’ailleurs prévue en 2025. N’oublions pas les perspectives pessimistes de la diffusion en 24/25.
Donc n’ayons pas trop le sentiment d’avoir gagné quelque chose, si ce n’est d’avoir évité le pire, le chemin suivi est bien le même pour l’instant.
L’équipe de Grands Formats s’est ensuite rendue à Avignon afin d’organiser une ébauche d’un temps fort Grands Formats pendant le festival d’Avignon, en plus de la Rentrée Grands Formats, qui aurait vocation à être poursuivi les prochaines années. Sous la forme d’une soirée « Collision Collective », en partenariat avec l’AJMI, trois concerts ont eu lieu, mettant en lumière trois collectifs adhérents, dont Onze Heures Onze, Naï No Production et le Collectif Pousse-Pousse.
Une expérience positive, un partenariat de qualité, et une fréquentation honorable nous encouragent à tenter de pérenniser ce rendez-vous. Un moment de rencontre professionnelle devra être imaginé, à l’image de celle de la FEVIS, à laquelle nous nous sommes rendus le lendemain, à la collection Lambert à Avignon toujours.
Une table ronde était organisée sur un sujet que nous allons traiter en novembre lors de la Rentrée Grands Formats : un parallèle entre le label Art et Essai du monde du cinéma, et la possibilité de le transposer au monde de la musique de création, en s’inspirant de certains critères, notamment l’innovation et la prise de risque artistique.
Si le CNM était invité à contribuer à ce label, au meme titre que le fait le CNC pour le cinéma, cela impliquerait à mon sens de donner aux commissions du CNM un peu d’expertise artistique, ce qui n’existe pas encore aujourd’hui, les critères des commissions étant uniquement économiques. C’est à mon avis une clé pour assurer sa mission de promotion de la diversité artistique. Selon le président du CNM, ces réflexions sur l’Art et Essai sont prématurées mais intéressantes. Elles ont été imaginées au CNC il y a quasiment 70 ans. Une différence majeure toutefois, est que dans le cadre d’un label de ce type, il faudrait créer des aides qui s’adressent aux artistes, et pas seulement aux diffuseurs.
Cette table ronde professionnelle a été l’occasion d’approcher la Spedidam et Adami, et d’imaginer de futures rencontres avec nos adhérents afin de parler des aides (les suites de l’arrêt Raap de la Cour de Justice Européenne et la baisse de la copie privée), mais aussi des perceptions et des répartitions.
Un début d’été où finalement, il n’a pas été question que de pluie et de beau temps…
Par Alexandre Herer, président de Grands Formats, pour Onze Heures Onze.