Après un revigorant et exceptionnel lancement de la Rentrée Grands Formats en Seine-et-Marne le week-end dernier, la fédération se tourne déjà vers les chantiers qui animent notre secteur pour l’automne 2020 et l’année 2021.
En effet, le contexte actuel reste très incertain et douloureux pour les artistes : nous continuons de subir des annulations et d’hypothétiques reports de dernière minute – sous la coupe croisée des décisions de préfectures, mairies, salles – en cet automne 2020. Les concerts en grandes formations étant particulièrement impactés par les contraintes sanitaires et la réduction des jauges, la facture s’alourdit de jours en jours pour nos membres, qui voient parfois s’envoler des mois de travail sur une création ou une tournée à la simple parution d’un arrêté.
Dans cette navigation à vue collective, s’ajoute une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) qui vient assommer lourdement la production musicale indépendante en France : quatre OGC partenaires privilégiées de nos équipes artistiques (Spedidam, Adami, SPPF, SCPP) seraient sommées de rembourser les irrépartissables – sommes engendrées par les passages médias des artistes issus des pays n’ayant pas signé la convention de Rome – qui financent en grande partie la division culturelle de ces OGC, donc la création et la production française de disques et de spectacles. Le manque à gagner représenterait 30 millions d’euros, une baisse de 30% des montants alloués, avec des commissions d’aide d’ores et déjà gelées pour la fin de l’année… portant ainsi un coup d’arrêt supplémentaire aux projets de nos équipes artistiques. Grands Formats se mobilisera donc pleinement aux côtés de ces OGC dans les contributions, recours et négociations à venir.
Car en tant qu’artistes et producteurs indépendants, le cercle vertueux que nous souhaitons voir advenir dans la juste répartition pour les artistes doit aussi englober la sphère d’internet, sur-sollicitée ces derniers mois dans la « consommation de contenus ». Les OGC françaises ne parviennent pour l’instant à percevoir qu’une quantité dramatiquement infinitésimale de revenus via le streaming, que ce soit par les plateformes payantes ou gratuites – quand l’essentiel des écoutes s’y concentre depuis plusieurs années.
En effet, avec l’arrêt des concerts, la période qu’on a traversé a accéléré pour beaucoup de musicien·ne·s le passage d’internet d’une dimension promotionnelle à une dimension « diffusionnelle ». Mais très souvent cette gratuité des œuvres s’accompagne à la fois d’un bénévolat direct des artistes qui les produisent et d’un quasi renoncement aux droits d’auteurs ainsi qu’au copyright. Dans le gigantesque musée créé par YouTube, Facebook, Instagram, Vimeo… nous consommons comme dans un décor en carton-pâte, dans lequel on peut écouter tout ce qui existe sans payer un sou, et piocher les œuvres, les aspirer à volonté via les logiciels trouvables en trois clics (à destination des téléphones, des disques durs, des laptops).
Les mix Youtube qui tournent en boucle dans toutes sortes de lieux et d’événements noient les perceptions des artistes dans les clouds économiques des GAFAN (Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix) : si l’apparition de la radio a permis de se passer de musicien·ne·s live pour des événements, alors internet permet de consommer encore plus de musique en payant moins – avec le consentement des artistes mettant à disposition leurs œuvres.
Dans ce moment où le spectacle vivant alterne entre l’échine courbée et le slalom entre les gouttes, il semblerait que ce chantier d’une plus juste redistribution des artistes via leurs œuvres sur internet soit mis sur la table.
Ainsi Grands Formats sera force de proposition et de contribution sur tous ces sujets, en particulier à la suite de la construction du Centre National de la Musique ; ce dernier ayant vocation à devenir à l’avenir un interlocuteur important pour notre fédération d’artistes.
Grégoire Letouvet
Membre du Conseil d’Administration de Grands Formats, Les Rugissants – Collectif Pégazz & L’Hélicon