Nos jeunes…

N’avez-vous pas constaté, chez nos jeunes, autour de vous un mal de vivre qui s’aggrave depuis des mois ? Personnellement en tant qu’adulte, parent, professeur, je sens une proportion grandissante parmi les 17/25 ans de sujets à de la déprime, à de la vraie dépression… Nos jeunes sont fragiles en ce moment.

Dans le secteur musical, on n’échappe pas à cette menace car elle y est même exacerbée. Le monde de la musique a toujours été extrêmement précaire pour des jeunes, et futur·e·s, professionnel·le·s. En effet, ces dernier·e·s doivent maintenir une motivation sans faille et suivre un but qu’ils·elles savent fragile. Les jeunes ont donc besoin « d’y croire ». On sait bien, à Grands Formats, que le succès d’une entreprise n’est basé que sur la ténacité, car la qualité du travail, de l’interprétation, de l’écriture ne suffit pas. Il faut se battre, il faut tenir ! Mais, il faut être également entouré et soutenu !

Je me revois à 20 ans prenant la décision d’être musicien professionnel et de tout faire pour l’être rapidement. Et, je remercie mon entourage familial, professoral et professionnel de m’avoir soutenu dans cette démarche. A 26 ans j’ai fondé avec Nicolas Folmer le Paris Jazz Big Band où 3 générations de musicien·ne·s travaillaient ensemble. Avec le recul, je comprends ma chance, notre chance, à nous, jeunes de 1998, d’avoir travaillé avec nos ainés et d’avoir tellement reçu d’eux. La présence des ainés était réconfortante, vivifiante et motivante.

Aussi, si on voulait s’insérer dans le « système », dans le « business », il fallait suivre le processus : signature label, éditeur, enregistrement studio, promotion, attaché·e de presse, booking…

Assez stable à l’époque, qu’est devenu ce système aujourd’hui ?

Comment fait-on de la promotion en 2022 ?

Un label à ça sert quoi ?

La solution du numérique permet-elle une vraie économie autour des productions ?

Que deviennent les droits d’auteur·rice·s et d’interprètes ?

Et même, reste-t-il des producteur·rice·s et n’a-t-on pas d’autre choix que d’être artiste producteur·rice ?

Franchement, je comprends que les jeunes puissent se sentir un peu perdu·e·s quand un « système » professionnel apparaît à la fois désorganisé, voir même bouché (je n’ai même pas parlé de diffusion) avec un volet administratif grandissant à des années lumières de ce qu’ils pratiquent tous les jours : la musique.

Que peuvent faire concrètement les grands formats pour les jeunes, pour les inclure vraiment dans le monde du travail ?

On peut citer et proposer :

  • La fédération accepte déjà en « compagnonnage » en son sein de jeunes grandes formations qui n’ont encore pas les critères d’ancienneté nécessaires
  • La fédération développe depuis quelques années des réunions d’informations, dans les conservatoires et établissements supérieurs pour aller au contact des jeunes et dialoguer avec eux, et nous souhaitons intensifier cela sur tout le territoire
  • Des chef·fe·s d’orchestres de la fédération, comme c’est déjà le cas au CRR de Paris, doivent participer aux jurys de conservatoires pour mettre les employeurs en contact direct avec les futur·e·s professionnel·le·s
  • La fédération pourrait rechercher, grâce à l’aide de chacun, des conventions avec des établissements supérieurs pour admettre en stage des étudiant·e·s au sein des équipes artistiques membres
  • Nous souhaitons également que nos orchestres accueillent plus de jeunes pour faire des remplacements lors des répétitions
  • La fédération veut encourager et promouvoir les initiatives de ses membres en direction de l’insertion professionnelles comme « l’ONJ des jeunes » depuis 3 ans, le projet « MYRIAD » d’Alban Darche porté par Yolk depuis 2 ans, les « European Jazz Campanions » de Pierre Bertrand & La Caja Negra depuis cette année, etc.
  • La fédération va travailler à organiser des fiches techniques : # Comment produire un album en 2022 ? # Comment produire un concert, à Paris, en province, en 2022 ? # Comment promouvoir un projet en 2022 ? # Comment protéger son travail et le faire rémunérer ?

Devant ces fragilités latentes chez nos jeunes, le volet transmission de Grands Formats doit se développer et faire l’objet d’une réflexion plus importante que jamais. Je pense que c’est en transmettant notre discipline, en accompagnant et en donnant des perspectives d’insertion qu’on pourra participer à insuffler de l’espoir dans les carrières artistiques de nos jeunes artistes.

Pierre Bertrand, La Caja Negra, membre du CA de Grands Formats

© Isabelle Jarre


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