L’été déjà bien loin nous nous apprêtons à vivre un moment clé pour notre fédération et notre communauté musicale : la Rentrée Grands Formats à Nantes, orchestrée en étroite collaboration avec Pannonica, La Soufflerie et le Conservatoire de Nantes.
Éclairée par 3 concerts, 2 jam sessions, tables rondes, rencontres professionnelles ou encore masterclasses au CRR, cet événement annuel n’est pas seulement une série de concerts mais un véritable acte de célébration de la vitalité de nos membres et de notre fédération. Cependant, en cette rentrée, il est crucial de porter un regard lucide sur les défis déjà dressés devant nous.
La première préoccupation qui risque de frapper de plein fouet le modèle économique des grands formats est le projet de diminution des aides au Centre National de la Musique (CNM), notamment le Développement à l’International et la refonte du dispositif Création/Production/Diffusion. Si depuis sa création, les subventions du CNM ont pu être un socle solide sur lequel nous pouvions nous appuyer, malgré la (déjà) grande difficulté de réunir les conditions de candidature, le durcissement des critères va mettre de côté une fois de plus et en premier lieu nos modèles économiques et la musique que nous défendons. Dans un contexte où les salles de concert et les festivals doivent déjà jongler avec des contraintes financières croissantes, une réduction des financements équivaut à un risque de stagnation et de dégradation pour la scène des grandes formations de jazz et de musiques improvisées.
Parallèlement, le projet de loi de finances pour 2025 se profile sous l’ombre récurrente de l’austérité économique, témoignant d’une défiance croissante envers le service public, soulevant une urgente et légitime inquiétude. Nous attendons de notre ministre qu’elle défende avec ferveur un budget qui, à la fois matériellement et symboliquement, soutienne la projection des politiques culturelles et, en fin de compte, le déploiement de notre activité.
Dans le souffle de ces dernières années, la diffusion des grands formats a connu un reflux d’environ 25 % et déjà se dessine un recul dans le nombre de concerts pour 2025. Ce constat met en lumière les défis croissants auxquels font face nos lieux de diffusion, entravés par des moyens de plus en plus restreints. Dans ce contexte tendu, nous appelons tout de même à 3 points de vigilance :
- Une attention éclairée sur l’effet d’aubaine que représente une concentration dans les programmations de quelques noms ou groupes
- La nécessité que les équipes artistiques puissent conserver leur prérogative de création et d’indépendance artistique
- La grande instabilité et la précarité des modèles d’autoproduction ou de festivals de compagnies, qui, bien que vitaux artistiquement, ne tiennent que sur le surinvestissement bénévole de leurs porteurs, souvent dos au mur dans la nécessité de faire vivre leur musique.
Alors, à la fois symbole et symptôme de cette fresque multidimensionnelle, j’aurais un mot de l’urgence dans laquelle se trouve aujourd’hui Musiques au Comptoir : maillon essentiel, lieu emblématique (voire matriciel) du jazz et des musiques improvisées français depuis plus de 20 ans, ce lieu de recherche, de résidence et de création est aujourd’hui tout simplement menacé de fermeture imminente. Ces lieux si précieux sont souvent la première marche, le premier partenaire professionnel pour imaginer et entamer la production d’une création : sans eux et leur diversité, notre écosystème de production d’une part, et la richesse et l’exigence artistique des propositions d’autre part risquent à court terme un pur et simple arrêt.
Là aussi nous rejoignons l’appel formulé aux tutelles et aux partenaires pour permettre la continuation de la démarche et de l’esprit du Comptoir.
À travers les concerts de notre rentrée nantaise, restons les acteurs d’une musique vivante, authentique, et qui reflète les réalités de notre temps. Si nous avons la fortune de vivre une période riche en talents et en initiatives, nous devons nous battre pour préserver et développer cet héritage. La rentrée Grands Formats est l’occasion de revendiquer avec évidence notre place dans le paysage culturel, de consolider nos liens et, bien sûr, de monter le son.
Grégoire Letouvet – Les Rugissants / Co-directeur Artistique Collectif Pégazz & L’Hélicon