De quoi aurais-je envie de parler aujourd’hui en février 2021… ?
J’ai envie de parler de musique, celle qui se crée, celle qui se joue ici ou là, la musique des oiseaux qu’on entend un peu plus ces derniers temps, la musique de la rue qui gronde, la musique de la forêt qui s’apaise, la musique du climat qui se réchauffe, la musique qui nous fait nous lever… Et dans tout ça, tout ce fourmillement de concerts qui se créent ici ou là, toute cette inventivité qu’on voit naître un peu partout pour résister à l’engourdissement général, et continuer à jouer, à échanger, à partager de la musique en vrai, en chair et en os…
C’est de ça que je veux parler aujourd’hui. De cette énergie folle à déplacer des montagnes à défaut de foules, même si c’est pour remuer un grain de sable et le faire danser à bout de souffle. Ce sont de ces concerts que je veux parler car ils existent, et ce sont eux qui me font me lever le matin avec le sourire, et je suis convaincu que c’est avec le sourire qu’on fait les révolutions…
Ce n’est pas que je ne veux pas voir les problèmes ou que je nie les grandes difficultés et les grandes injustices que la situation actuelle exacerbe, les lois sur les universités, la réforme des hôpitaux, l’état d’urgence et les lois sécuritaires qui bâillonnent toutes les velléités insurrectionnelles du moment, etc. Mais nous avons surtout besoin de parler des choses qui nous font tenir debout, des choses qui entretiennent l’énergie vitale, qui nous font nous redresser vers la vie…
J’ai vu, depuis un an, toutes formes de concerts et de spectacles se créer : concerts en appartement, chez les gens, concerts dans la rue, dans les jardins publics, dans les parkings, dans les squats, sur les façades des immeubles, dans les cours des hôpitaux…
Toutes ces initiatives, dont on entend peu parler, prennent le droit d’organiser des concerts sans attendre qu’on nous le donne, partout où c’est possible, partout où des oreilles même peu nombreuses se réjouissent d’entendre de la musique. Des endroits se créent, légalement ou non, où on peut se rassembler autour de la musique. Et même s’ils sont petits, peu nombreux, confidentiels, et même si finalement peu de gens peuvent en bénéficier, même s’il y a un risque de clivage entre ceux qui continuent de voir des concerts, certes dans un certain entre soi, et ceux qui n’en ont pas vu depuis des mois, le feu brûle encore dans ces espaces, et la flamme est entretenue. Il y a, dans ces petits îlots, de la joie, de l’énergie et beaucoup de créativité…
Ils marquent une évidence : nos activités, la musique vivante et le spectacle vivant sont essentiels. Ils donnent un sens à tout ce qu’on défend jour et nuit, dans les heures autorisées ou interdites par la loi.
Les oreilles sont là, les envies sont là, l’évidence et la nécessité sont là, alors écoutons, jouons…
Par Camille Sécheppet de Surnatural Orchestra (et l’Orchestre en carton et…)