Le terme d’artiste-producteur·rice en lui-même est mal accepté, car dans les statuts d’une association, un membre du bureau ne peut être son propre employeur ; un artiste – ou un collectif d’artistes – ne pourrait donc pas être dirigeant·e de sa structure.
Il créé un clivage au sein du secteur musical car, pour certain·e·s, l’artiste devrait se consacrer exclusivement à son art et aurait forcément besoin d’être accompagné par des structures dédiées à la production, la diffusion, l’enregistrement… Il ne pourrait être par conséquent décisionnaire dans ses propres créations.
Cependant, depuis que nous sommes confinés, les injonctions gouvernementales – celles-là même qui nous encouragent depuis tant d’années à nous structurer – fusent : après celle d’apprendre à se « ré-inventer » lors du premier confinement (en enfourchant le tigre ?), on nous demande de « préparer les spectacles de demain ».
De là, on se demande s’il faut assécher les budgets fragiles de nos compagnies, si on doit attendre que les lieux reçoivent les aides et les redistribuent (à leur bon vouloir), ou bien, s’il ne serait pas plus logique que les équipes artistiques structurées (les artistes producteur·rice·s !) se trouvent dotées de véritables moyens pour répéter / résider / créer. Ne sommes-nous pas impactés en première ligne par l’impossibilité de jouer, les annulations non indemnisées, les reports qui se cumulent et les protocoles sanitaires qui pénalisent particulièrement nos grandes formations ?
À l’heure où l’on réforme les aides aux équipes artistiques du ministère et où l’on élabore un plan de relance pour la culture, à l’heure où les organismes de gestion collective voient leurs dispositifs d’aides durement amputés par la décision de la cour de justice de l’Union Européenne et vont devoir faire des choix drastiques ; à l’heure où l’on sait que les productions privées, dont les choix d’artistes répondent forcément à des critères de rentabilité, se rabattent sur les aides de l’État en demandant une ouverture totale de tous les dispositifs de soutien, on sait que les choix d’aujourd’hui seront déterminants pour demain et on se demande à quel point les « artistes-producteur·rice·s » pourront y prendre part. Ce modèle vertueux, qui a une place dominante dans nos esthétiques (grands formats, collectifs ou artistes seul·e·s) et qui laisse une large part à la création, la collaboration et la mise en réseau, l’éducation artistique, doit trouver une place de choix dans un secteur musical en plein changement.
Par Alfred Vilayleck, Collectif Koa & membre du Conseil d’Administration de Grands Formats