Go girls !

Bonne rentrée à tous !

On espère que les festivals et la vacance vous ont apportés joie et solarité. Souhaitons que cette nouvelle saison vous soit riche et charmante en musique, en rencontres, en beauté (allez, cette année on donne tout) !

Pour Grands Formats, ce mois de septembre verra en particulier la parution de notre étude femmes/hommes dans le jazz, mise en forme et analysée par Priscilla Martin et la sociologue Cécile Offroy, travaillant toutes deux pour Opale, sur la base des données collectées avec nos réseaux partenaires AJC, la FNEIJMA et l’ADEJ. Nous vous invitons d’ores et déjà à vous inscrire pour la présentation publique de cette étude qui se déroulera le 24 septembre matin au ministère de la Culture et qui, nous l’espérons, soutiendra la base des réflexions et des évolutions concrètes à venir dans notre milieu.

Ce sujet de la présence des femmes dans le jazz apparaît comme crucial, génère à juste titre les passions et est hautement symbolique. C’est peut-être une occasion exceptionnelle pour regarder les conditions et la configuration culturelles du jazz en France aujourd’hui.
Les manifestations d’art sont symboliques et inconscientes. Tout en prenant des pincettes avec l’idée d’une fonction sociale des artistes, je dirais néanmoins qu’on est un peu témoins, éponges et révélateurs d’un inconscient collectif, via les propositions et les œuvres. Ainsi, quand on parle aujourd’hui de la valeur d’une « œuvre », d’un « talent » ou même d’une expression/expressivité on est souvent soumis à des déterminismes culturels inconscients très puissants. Toute analyse sur la valeur d’une œuvre ou toute émotion esthétique est conditionnée par notre culture et notre expérience – dont l’éducation, et particulièrement l’éducation au genre, est une composante forte. En gros : on ne sait pas vraiment ce qui nous émeut dans telle ou telle œuvre, telle ou telle proposition… car il y a cette dose de projection, de transfert de soi là-dedans.

Ainsi le fonctionnement par reconnaissance culturelle ou cooptation fraternelle (inconscientes) expliquerait l’existence du socle globalement masculin, blanc et issu de classes moyennes voire supérieures qui constitue la grande majorité des musicien·ne·s de jazz en France aujourd’hui. Ce que je veux dire, c’est qu’il me semble impossible de voir naître un art fait par des femmes (par exemple) sans créer d’espace qui le permet. Alors oui, tapons du poing sur la table pour changer numériquement dans un premier temps la représentation femme/homme dans le milieu ; cela changera d’abord une culture, ce qui est la condition nécessaire pour qu’un art s’y déploie (je parle bien ici d’un système, actuel, dans lequel il y a bien entendu de nombreuses exceptions).

Car au fond, l’art en soi est-il particulièrement genré ? Si les sujets et le storytelling le sont, je ne pense pas que l’artisanat le soit – et j’y ajoute ici les artistes, qui une fois sur scène, ne se représentent pas eux-mêmes mais jouent, comme des mediums transfigurant la somme de leurs composantes culturelles. Mais bon, comme pour l’heure l’histoire de l’art – et particulièrement du jazz -, est jalonnée par une écrasante majorité de noms d’hommes, on manque un peu d’éléments d’analyse…

Si le constat est un préalable nécessaire à l’action, certains chantiers pour une plus grande équité et pour lever certains obstacles à l’envie de pratiquer le jazz, sont vastes et à portée de main : égalité de salaire, postes de direction (dans les institutions culturelles, d’enseignement artistique, directions artistiques), sanction du sexisme ordinaire (mentionnons ici le travail du collectif Paye ta Note), représentativité accrue des femmes artistes dans les orchestres (saluons particulièrement l’action de Frédéric Maurin au sein de l’Orchestre National de Jazz) et dans les formations professionnelles.

Mais aussi, un sujet corollaire s’invite dans le calendrier et la réflexion de Grands Formats : celui de la création. En effet, Grands Formats s’est particulièrement mobilisé au printemps dernier au sujet de la refonte des émissions de France Musique, et se mobilise constamment auprès de nos partenaires institutionnels pour défendre la nécessité de la recherche et de la création aujourd’hui. Car si le chemin vers plus d’équité hommes/femmes dans le jazz est sur la bonne voie, que ferons-nous sans espace de recherche et de création pour nos musiques ? Ainsi, nous resterons vigilants et mobilisés dans les perspectives de CAP 22, du CNM et de la réforme des commandes d’État.

Car, que dire quand l’établissement culturel français le plus doté (l’Opéra de Paris) ne programme aucune création au sein de sa nouvelle saison ? Ça met l’ambiance. Et on peut s’interroger particulièrement sur la cohérence à défendre d’un côté un mouvement féministe dans l’évolution du milieu musical tout en programmant d’un autre côté, et dans des proportions écrasantes, des œuvres du passé qui mettent en scène des rapports hommes-femmes ultra marqués par la vision patriarcale de nos sociétés des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Qu’en pensez-vous ?

Mais en attendant de parler de tout cela, le 24 septembre, ou avant, pendant, après les concerts, j’ai bien envie de dire à mes amies et collègues : go and do it GIRLS !

Grégoire Letouvet,
Ensemble Les Rugissants, membre du CA de Grands Formats


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