Que faire ?

Au moment de clore l’année 2022 pour se lancer avec enthousiasme, mais aussi avec quelques craintes, dans la suivante, vient inévitablement le temps d’en dresser le bilan. Bilan, pour Grands Formats, d’une première année marquée par le départ d’un nouveau cycle, puisque son équipe et sa direction ont changé tout à la fois. Bilan aussi d’une année charnière pour le secteur culturel, qui a bien dû affronter sa « sortie de crise ». Bilan, surtout, d’un modèle d’activité culturelle – et presque de société tout entier – qui lui, a dû faire face à ses contradictions. Bilan qui doit nous aider à répondre à la seule question qui vaille désormais : et maintenant, que faire ?

De cette année écoulée, donc, nous retiendrons d’abord la pugnacité d’une partie du secteur culturel qui, malgré les encombres, n’a jamais cessé de prendre sa part pour réhabiliter une activité culturelle d’utilité publique. Ainsi par exemple, nous sortons tout juste d’une 16ème Rentrée Grands Formats menée à bien, non en toute facilité, mais grâce à l’œuvre collective des nombreux acteur·rice·s qui en partagent les valeurs. Une fois de plus, il était important de constater et d’affirmer haut et fort un appétit avide pour ces turbulences artistiques.

Il nous faudra bien aussi remarquer, néanmoins, qu’une autre partie de ce même secteur a continué, quels que soient les doutes du moment, à tirer à elle la couverture, et qu’il finira peut-être par n’en rester plus qu’un petit bout qui se détricote à l’autre extrémité. S’il reste, heureusement, des garde-fous aux politiques publiques de la culture en quelques endroits, la banalisation du discours mercantile qui accompagne ce grignotage progressif n’a pourtant pas d‘autre effet que d’en fragiliser la digue. Or, la Culture ne peut, en aucun cas, se cantonner à un divertissement prêt-à-vendre – irions-nous jusqu’à dire, même, qu’elle en est le contraire ?

Elle doit, en tout cas, pouvoir s’autoriser à chahuter nos attentes, et même à nous flanquer d’inconfort en quelques instants. Sa fonction, loin de nous conforter dans nos manies, doit pouvoir être de gratter le verni du quotidien, plutôt que de le couvrir encore d’artifice. C’est parce qu’une telle culture ne s’accommode pas de la passivité du consommateur mais nécessite, et sur un temps long – celui de l’acculturation – la transmutation de l’individu en coopérateur du fait culturel, qu’elle se plie mal aux logiques dont on rebat désormais les oreilles des mélomanes.

Que faire alors ? En ce qui nous concerne, nous nous engageons pour un programme : celui des équipes artistiques indépendantes, pilotées, à tous les degrés, par les artistes eux-mêmes. Parce qu’il est essentiellement le mieux à même d’affecter les ressources vers la création d’une valeur maximale, non pas financière mais d’intérêt général, nous le défendons auprès de qui regarde la Culture comme un bien commun, et avec elles·eux. Parce que la Musique est à celles et ceux qui la font, bien plus qu’à celles et ceux qui la vendent, et parce qu’ainsi elle parvient sans entrave à qui l’entendent, nous revendiquerons, pour une année supplémentaire, les valeurs de l’indépendance.

Par Erwan Vernay, délégué général de Grands Formats

Photo © Yann-Slama


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